Le droit de se taire, nouvel impératif disciplinaire pour la fonction publique

Dans une décision récente, le Conseil constitutionnel a souligné une avancée majeure dans le droit disciplinaire des fonctionnaires. Désormais, tout agent faisant l’objet de poursuites disciplinaires devra obligatoirement être informé de son droit de garder le silence avant d’être entendu sur les faits reprochés. Cette protection, ancrée dans le principe constitutionnel selon lequel “nul n’est tenu de s’accuser”, impose une nouvelle responsabilité à l’employeur public. L’application de cette obligation est immédiate et renforce les droits des agents face à des sanctions potentielles.

Le Conseil constitutionnel a été interrogé, pour la première fois, sur une question bien précise concernant le droit disciplinaire, plus spécifiquement sur l’obligation d’informer un fonctionnaire, à l’encontre duquel une sanction est envisagée, du droit qu’il a de se taire.

Principe

Le Conseil constitutionnel vient de préciser que tout fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. Ce n’est qu’une fois informé de ce droit qu’il peut librement décider d’apporter des explications ou non. Lorsqu’un fonctionnaire comparaît devant le conseil de discipline, il doit être informé au préalable de son droit de garder le silence devant cette instance. L’employeur a donc l’obligation d’informer l’agent faisant l’objet de poursuites disciplinaires du droit de ne rien dire.

Précisions juridiques

La partie ayant saisi le Conseil constitutionnel considérait que « les déclarations ou les réponses du fonctionnaire devant cette instance sont susceptibles d’être portées à la connaissance de l’autorité investie du pouvoir de sanction ». Ainsi, elles peuvent être préjudiciables à l’intéressé, d’où l’importance de l’informer au préalable de la possibilité de garder le silence.

La question suivante avait été posée au Conseil constitutionnel : les dispositions relatives au droit disciplinaire des fonctionnaires ne prévoyant pas l’obligation d’informer le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires du droit qu’il a de se taire, notamment devant le conseil de discipline, sont-elles conformes à la Constitution ?

Les droits du fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires sont précisés à l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et à l’article L.532-4 du code général de la fonction publique.

3ème alinéa de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 :

« Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ».

Article L. 532-4 du code général de la fonction publique :

« Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes.
L’administration doit l’informer de son droit à communication du dossier.
Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à l’assistance de défenseurs de son choix
».

Pour le Conseil constitutionnel, il découle de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (texte ayant une valeur constitutionnelle) le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser. Ainsi, il en déduit que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.

Date d’application de cette nouvelle obligation

Cette nouvelle obligation d’informer au préalable le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires du droit de se taire est d’application immédiate. Elle est à la charge de l’employeur.

Le Conseil constitutionnel demande à l’État français de modifier ces textes en conséquence.

 

Référence juridique

Ce qu'en pense la CFTC

Le droit de se taire, un silence à double tranchant

La CFTC accueille favorablement cette avancée juridique en matière de droits disciplinaires dans la fonction publique. L’obligation pour l’employeur d’informer l’agent de son droit à garder le silence est un renforcement nécessaire des garanties procédurales qui protègent les fonctionnaires contre des abus ou des malentendus lors des procédures disciplinaires. Pour la CFTC, cette protection s’inscrit dans une logique de justice et d’équité, respectant le principe fondamental selon lequel “nul n’est tenu de s’accuser”.

Cependant, la CFTC tient à attirer l’attention sur un aspect crucial : le risque de se taire. Si ce droit offre une protection importante, il peut également constituer un double tranchant. En effet, choisir de ne pas répondre aux accusations lors d’une procédure disciplinaire peut être perçu comme un aveu tacite ou un manque de volonté de se défendre. Le silence pourrait ainsi, dans certains cas, jouer en défaveur de l’agent, notamment lorsque les preuves ou les témoignages à charge sont nombreux et non contredits.

La CFTC conseille donc aux agents de bien peser cette décision. Le silence est un droit, mais il est souvent préférable de préparer une défense solide avec l’assistance :

  • d’un représentant CFTC,
  • d’un défenseur de confiance,
  • voir d’un avocat,

surtout si les faits reprochés sont sujets à interprétation ou à controverse. Dans certains cas, fournir des explications peut permettre de dissiper des malentendus ou de contextualiser des comportements, évitant ainsi des sanctions potentiellement sévères.

Notre position face à cette ouverture

Avec la décision du Conseil constitutionnel, la fonction publique se dote d’un cadre juridique plus protecteur pour les agents. Cependant, la CFTC rappelle qu’il est important de ne pas laisser cette nouvelle protection se transformer en piège. Le droit au silence doit être utilisé de manière stratégique, et les agents doivent être accompagnés dans leur décision de se taire ou de s’exprimer.

En conclusion, la CFTC s’engage à informer ses adhérents de cette nouvelle mesure et à les accompagner dans leurs démarches disciplinaires, afin de s’assurer que leurs droits soient pleinement respectés tout en maximisant leurs chances de défense. Le silence est un droit, mais ne doit jamais se transformer en une faiblesse face à la procédure.

Frédéric FISCHBACH,
Président Fédéral

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