
Redonnons du sens à nos métiers
Congrès Fédéral : Thème 2023
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La dimension professionnelle de notre vie a pris une grande place dans notre société moderne. On a le sentiment que tout tourne autour de cela et même le sentiment de n’exister que par elle. « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » Belle introduction dans les soirées entre amis. Ne pourrions-nous pas entrer en interaction avec les autres en demandant tout simplement et « toi qui es-tu ? »
Un métier qui a du sens pour soi est un métier qui nous motive et qui est en corrélation avec notre personnalité et notre système de valeur. Tout métier peut en soi faire sens.
Ce qui est essentiel, c’est qu’il soit un formidable moteur dans notre quotidien. Il doit nous donner le sentiment d’être utile, de contribuer à quelque chose. Vous l’aurez très certainement compris, derrière cette histoire de sens, c’est aussi la notion de plaisir au travail. Car faire des choses correctement, c’est bien, mais y prendre du plaisir en les faisant, c’est encore mieux, n’est-ce pas ?
Depuis quelque temps, on évoque particulièrement la souffrance des professionnels. Ce mal diffus et confus grignote peu à peu l’engouement et l’enthousiasme d’un secteur qui semble abandonné. Avec une certaine inquiétude, nous avons entendu, lu et vu surgir des témoignages poignants de toute part. Ces plaintes imprégnées d’un épuisement généralisé provenaient de tous les côtés, qu’il s’agisse des hôpitaux ou des établissements médico-sociaux ou d’aide à domicile, des services d’urgence ou des lieux de vie, du public ou du privé à but lucratif ou non. Au départ, on observe juste une augmentation permanente de la « lassitude » qui a elle-même fait place à l’exaspération, au dégoût, puis à la douleur morale. L’angoisse intenable de ne plus pouvoir bien faire ou faire bien ou faire du bien. Le constat est le même : l’envie de faire du bien en prenant soin ou de bien faire son travail parait s’effacer. Ils n’ont plus la force de leur motivation première et cela les bouleverse, tant elle se dissout, et la conséquence ? des soignants, des patients et des personnes âgées maltraitées !!! Face à une situation devenue à la fois incompréhensible, ingérable et plus que jamais impossible à supporter, les paroles se sont libérées d’abord en silence, mais depuis plusieurs semaines sur le devant de la scène médiatique. Elles sortent du confinement du secret professionnel et de la honte : elles témoignent d’un quotidien devenu un enfer.
Que se passe-t-il pour en arriver là, à ce point de rupture ? Qu’arrive-t-il en ces lieux où, a priori, nous devrions plus qu’ailleurs rencontrer l’espoir d’un mieux-être ?
Cela fait quelques années que l’on évoque la souffrance des soignants mais cette fois, on décèle comme une impression de saturation. Ce métier pénible pour certains qui font face à la confrontation de ce que l’on ne devrait pas voir : la maladie, la vieillesse, la souffrance et la mort… L’engagement et la volonté des soignants ont toujours été un risque important d’épuisement professionnel, dû à une volonté parfois sans limite de vouloir donner. Cette ardeur qu’ils mettent dans le travail a toujours été mue par une énergie pouvant s’avérer dévastatrice. Seulement, nous arrivons là à un point qui dépasse l’habituel, un phénomène qui mérite toute notre attention.
Que penser d’une société où ceux qui prennent soin, accompagnent les personnes en souffrance sont eux-mêmes en proie à un malaise grandissant et à une souffrance indicible ? Ne peut-on pas y voir une forme de pandémie à l’échelle sociale ? Quel est donc ce type de société dans lequel on n’arrive plus à prendre soin de ceux qui soignent ? Depuis des années, loin de s’améliorer, la situation s’est propagée et amplifiée.
Dans nos secteurs d’activité malmenés par la crise et des difficultés structurelles, la perte de sens de nos métiers est une réalité. La vocation ne suffit plus à fidéliser, attirer, convaincre une partie des professionnels du secteur de rester dans leur établissement. Des métiers « passions » malmenés par la perte de sens.
Si les conditions de travail et d’exercice ne correspondent pas aux attentes des professionnels ayant une vocation, ceux-ci ont tendance à quitter leur établissement assez facilement. A contrario, le fait d’avoir une « vocation « et de travailler dans des conditions propices qui alimentent le sens au travail permet une identification et un engagement fort dans leur structure. Par ailleurs les professionnels trouvent du sens dans leur travail dès lors qu’ils ont la capacité d’accorder le temps nécessaire aux usagés.
Quelques chiffres pour appuyés nos dires :
- Un taux d’absentéisme du personnel soignant qui augmente et qui interroge. Le secteur de la santé tout confondu à un des taux le plus élèves avec 6.6%,
- Une augmentation du nombre des soignants qui quittent prématurément leur profession. A titre d’exemple, en 2019 30% des jeunes diplômés infirmiers abandonnaient leur profession dans les 5 premières années,
- Quelques 30 000 postes seraient ainsi vacants dans le secteur associatif sanitaire et social et médico-social.
Sans surprise là encore très intuitivement ils parlent de leur travail en exprimant une « perte de sens ». La dégradation des conditions de travail, le manque d’effectifs qui contraint à un fonctionnement en mode dégradé (devenu fréquent là où il doit en principe demeurer l’exception) le manque de valorisation, le mode de management inadapté sont entre autres argumentés comme les causes d’une deshumanisation de leur travail. Cette dernière génère une tension pour ces métiers caractérisés par une forte relation à l’humain.
On entend par difficultés structurelles : la pénurie de personnels, la nécessité de réorganiser un système à bout de souffle, des conditions de travail dégradés, un défaut d’équipement. Au cœur de ce malaise, un sentiment de perte de sens de nos missions parasitées entre autres par des contraintes administratives et une gestion économique soumises à des logiques de rendement.
Bref, il semble urgent de redonner du sens à ses professionnels pour retrouver un cercle vertueux d’attractivité de nos métiers, de fidélisation, faire que leur travail redevienne tout simplement synonyme d’épanouissement et de passion. Mais comment redonner ce sens précisément ?
Pour la CFTC, Il ne s’agit pas seulement de réorienter sa vie, il s’agit d’un changement plus profond qui fait voler en éclats le ciment de notre vie en société. La situation sociale et économique de plus en plus dégradée conduit à la perte de repères idéologiques, philosophiques, sociétaux, qui remet en cause le cœur même de nos métiers. Ce changement entraîne une prise en compte, avant tout de soi, plutôt que de participer à un projet collectif, … Dans le même temps, nous entendons dire combien chacun veut trouver une activité plus valorisante, plus proche de valeurs de partage, plus en phase avec des aspirations altruistes. Il y a, là, comme des contradictions difficilement compréhensibles.
Tout cela, présenté comme une « grande démission », entraîne des conséquences sur la vie de chacun, sur la relation au travail, sur le choix des modes et des lieux de vie…Les effets du changement se traduisent dans nombre de secteurs qui subissent des choix individuels remettant en cause les socles sur lesquels s’établissait la relation à l’emploi et au travail.
Il est alors permis de questionner le fait que les salariés s’interrogent sur leur place dans l’établissement, sur le sens de leur métier et plus encore de leur intérêt à poursuivre dans une carrière que l’on n’a pas suffisamment valorisée.
La « grande démission » ne serait-elle pas aussi la conséquence d’une volonté de revoir les modes d’organisation du travail et de tout ce qui fait le socle de la relation légale au sein de l’entreprise ? On dit le travail déstructuré, mais qui a voulu cette déstructuration, qui a voulu modifier les « rapports de classe » dans les différents sites, et qui, par conséquent, n’en a pas mesuré les conséquences ?
On constate que de nombreux ex-salariés sont en recherche de sens tant dans leur vie personnelle que professionnelle, faisant des choix donnant l’impression d’une meilleure maitrise de celles-ci.
Mais, pour la CFTC, La crise sanitaire a aussi été source d’innovations et notamment source d’innovations organisationnelles. La pandémie a été une catastrophe sanitaire cependant elle a donné une nouvelle impulsion. Elle nous a appris à travailler ensemble.
Les agents ont largement démontré leurs capacités à s’organiser entre eux pour faire face à la crise et à ses conséquences. Dès lors qu’on les laissait libres de le faire.
Spontanément, quand on leur parle d’améliorer leur santé, les agents demandent des changements sur l’organisation de leur travail, alléger leur charge, mais aussi la qualité de celui-ci.
Au-delà des aspects matériels, les mesures attendues relèvent donc de l’humain : reconnaissance, participation à la gouvernance, temps consacré au patient. Pour la CFTC, Il faut impérativement remettre le personnel au cœur des préoccupations.
Le sens du travail surgit de l’expérience qui ne peut être complète que si elle est conforme à ses fonctions sociales et collectives. Autrement dit, le travail n’a de sens qu’au regard des relations que l’on noue avec les autres professionnels, le partage d’expérience, les projets et les travaux en commun.
Pour cela, il faut établir un vaste plan d’actions mêlant attractivité et fidélisation.
Ce plan repose notamment sur une cartographie de la formation à repenser. En premier lieu, il s’agit d’augmenter le nombre de personnels formés.
Sur la formation initiale, l’augmentation des quotas à l’entrée des instituts de formation, implique de remodeler sérieusement Parcoursup.
Au-delà de préoccupations en termes d’intensité du travail et de conditions d’exercice, les enjeux sont forts en matière de formation, accompagnement à la montée en compétences et à l’évolution de carrière (mobilité, validation d’acquis d’expérience, etc.), voire accompagnement dans les processus de reconversion.
Nous sommes convaincus que le sens au travail, l’attractivité, la fidélisation passent aussi par une vision différente de l’organisation et du management, ainsi que le portage d’une véritable politique soucieuse du bien-être et de la qualité de vie au travail.
Les professionnels attendent une valorisation de leur engagement au quotidien et un soutien managérial plus fort. Ces éléments constituent des piliers de la qualité de vie au travail.
Cela nécessite l’émergence d’une nouvelle dynamique et l’implication de tous les acteurs pour créer un environnement de travail qui permette aux professionnels de se réaliser pleinement, de favoriser leur appartenance à l’institution, de créer un milieu stimulant et intéressant. Il s’agit là d’une démarche participative, portée par l’encadrement, qui adopte un style de management par l’intelligence collective pour intégrer l’avis des professionnels, les rendre plus autonomes et plus conscients des valeurs communes de la structure.
Il s’agit de penser différemment les organisations, le rôle de chacun, pour libérer les énergies, responsabiliser, permettre à chaque professionnel de trouver sa place et prendre part aux décisions s’il le souhaite.
Nous pouvons recenser 8 domaines d’attractivité essentielles même si la liste n’est pas exhaustive :
- Une culture du soin centrée sur les besoins du patient
- Des soignants experts dans leur art
- Un soutien fort de l’institution envers la formation des personnels
- Un leadership infirmier de type transformationnel
- Un mode de management participatif favorable à l’autonomisation des soignants
- Un climat relationnel collégial entre les médecins et les soignants
- Une autonomie des soignants dans leur sphère de décision clinique
- Une gestion adéquate des effectifs, adaptée à la charge de travail et aux besoins du patient.
Derrière tout cela, bien évidemment, le rôle du manager est fondamental. Il s’agit de dépasser le modèle hiérarchique du management classique pour faire place à l’intelligence émotionnelle et collective. Le manager n’est plus seulement celui qui tranche et qui arbitre, mais celui qui appuie et nourrit ses équipes pour qu’elles prennent des décisions, qu’elles créent, qu’elles osent. C’est avant tout un management qui inspire, qui fait sens, qui transmet et qui s’adapte à ses équipes.
Le rôle du manager devrait normalement consister, entre autres, à donner du sens aux missions qu’il confie à ses collaborateurs.
Quelques comportements faciles à mettre en pratique suffisent souvent à faire une large différence. De simples retours positifs ou quelques encouragements, par exemple, renforcent la performance individuelle et collective.
On le sait tout : lorsque l’on se sent soutenu et encouragé, tout semble plus aisé. On se retrouve rassuré dans nos capacités et nos ailes ne tardent pas à pousser jusqu’à la sensation d’être capable d’abattre des montagnes.
Il a également été démontré que des images positives – un manager souriant par exemple – ont une influence non négligeable sur notre humeur et notre motivation. Travailler pour quelqu’un qui ne sait que faire la tête et rabaisser ses collaborateurs entraîne immanquablement démotivation et baisse d’efficacité.
Il est nécessaire de communiquer efficacement
Une communication managériale adéquate est la base d’un management réussi. Communiquer pour informer, entretenir le lien avec les collaborateurs, partager la culture, les valeurs et la stratégie de l’entreprise, accompagner les changements efficacement, instaurer un climat de confiance, inspirer, impliquer …
La CFTC rappelle qu’il est primordial de ramener l’Humain au cœur de l’entreprise. N’oublions pas que les personnes qui travaillent dans un établissement sont sa première richesse.
Ecouter activement, faire preuve d’empathie, savoir utiliser les bons supports de communication au bon moment, asseoir un certain charisme… sont donc autant de compétences clés que le manager se doit de posséder pour donner du sens au quotidien.
Il est nécessaire de Partager sa vision
- Donner du sens aux missions confiées, y compris à la plus petite tâche est essentiel. Le manager doit ainsi veiller à positionner chaque mission confiée sur le puzzle de la stratégie globale de l’entreprise afin que chacun puisse en comprendre les enjeux et apporter sa pierre à l’édifice commun,
- Donner du sens, c’est également être capable de changer sa vision des choses, notamment en période de tension. Prendre du recul, adopter un angle de vision inhabituel, ouvrir son esprit sont autant de façons simples pour redonner du sens à ce qui semble ne plus en avoir,
- Pour un manager, cela passe par des attitudes, des discours adaptés, une forte aptitude à convaincre… C’est une motivation à toute épreuve, un comportement bienveillant et un enthousiasme communicatif au quotidien.
Il est nécessaire d’Impliquer ses collaborateurs
Permettre aux différents membres de son équipe de participer pleinement au fonctionnement quotidien du travail donne du sens aux missions de chacun. Le manager peut ainsi :
- Faciliter le partage d’information,
- Encourager les prises d’initiative et de décision,
- Mobiliser : fédérer les salariés autour d’un objectif commun, un projet, etc.
- Encourager l’intelligence collective, la cohésion et le travail en équipe.
Il est nécessaire de rendre autonome et responsabiliser
L’autonomie est source de motivation et de sens. Chacun gagne en liberté d’action et peut ainsi davantage mettre tout son talent au service de l’équipe. Le manager soucieux de donner du sens au quotidien peut notamment :
- Déléguer et concerter, c’est-à-dire responsabiliser ses collaborateurs en les rendant les plus autonomes possible,
- Accepter l’erreur comme vecteur d’amélioration,
- Améliorer continuellement les compétences personnelles et collectives : instaurer une réelle démarche de développement personnel en permettant à chacun d’acquérir de nouvelles compétences et/ou de développer certaines connaissances ou savoir-être.
Il est nécessaire de reconnaître et de valoriser le travail
Pour le manager, il est primordial de célébrer les réussites — tant individuelles que collectives — de son équipe :
- Reconnaître les efforts fournis à leur juste valeur,
- Féliciter ce qui doit l’être, sans trop ni trop peu en faire,
- Pratiquer la gratitude envers ses collaborateurs au quotidien afin que ces derniers prennent conscience de leur importance au sein de l’équipe
- Mettre en avant le travail d’un collaborateur, ses compétences particulières, sa persévérance, etc. sur un dossier/projet particulier,
- Permettre à chacun d’expérimenter …
- Offrir des opportunités d’évolution : Il est donc important pour le manager de savoir repérer la démobilisation et la démotivation latente afin de proposer des perspectives d’évolution dans le but d’y remédier
- Faciliter la mobilité interne des agents qui le souhaitent pour leur apporter de nouvelles expériences et rompre les habitudes du quotidien. Leur permettre également de partager leur propre connaissance, ce qui est une forme de reconnaissance.
Une autre piste d’amélioration est de préserver la vitalité des espaces de discussion sur le travail. Ces espaces, on l’oublie trop souvent, peuvent aussi être informels. Si une part de la discussion sur le travail prend place dans des cadres formels (staffs médicaux, temps de transmissions orales entre les équipes soignantes, ou encore réunions organisées sous l’égide de l’encadrement de proximité…), une autre part se déroule dans des lieux informels qui sont avant tout voués à la convivialité…
Dès lors, il revient au management de proximité de prendre à bras-le-corps ces questions et de les traiter dans les espaces formels de discussion. Il lui revient également la responsabilité de pousser suffisamment loin la discussion afin de faire émerger de nouvelles pratiques, ce qui suppose d’y consacrer du temps.
Renforcer l’esprit d’équipe et la coopération, préserver les espaces de discussion existant dans l’organisation et entretenir la discussion sur le travail constituent, selon nous, la pierre angulaire d’une politique du prendre soin envers le personnel soignant qu’il est possible de mettre en œuvre à une échelle locale, ceci afin de redonner du sens au travail et de renforcer l’attractivité dans nos secteurs d’activités.
N’oublions pas le rôle essentiel des élus aux instances représentatives du personnel …
La proximité sur le terrain permet de faire remonter les problématiques rencontrées, car La qualité première de la CFTC reste et restera l’écoute attentive des agents.
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Pièce-Jointe :
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