Violences sexistes et sexuelles : Agir pour protéger les professionnelles des métiers du prendre soin
Le 25 novembre, la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, met en lumière une réalité alarmante : les violences sexistes et sexuelles (VSS) persistent dans de nombreux secteurs professionnels. Dans les couloirs des hôpitaux, au domicile des patients ou dans les foyers sociaux, les VSS prennent des formes multiples et souvent invisibles. Ces comportements, qu’ils soient verbaux, psychologiques ou physiques, affectent de manière disproportionnée les femmes, qui représentent l’écrasante majorité des professionnels dans ces secteurs.
Entre constats préoccupants et nécessité d’agir, la Fédération CFTC Santé Sociaux appelle à une mobilisation collective pour instaurer des environnements de travail sûrs, respectueux et exempts de toute violence. Il est crucial de poser des mots sur une réalité trop longtemps banalisée et de réfléchir aux solutions pour enrayer ce fléau.
Des chiffres alarmants !
Au travail comme ailleurs, les violences sont massives, graves et touchent les femmes, qu’elles soient issues du secteur privé ou public, et de toutes catégories socioprofessionnelles. Harcèlement moral à caractère sexiste, agissement sexiste, harcèlement sexuel, agression sexuelle, et viol, ne sont pas que des mots :
- 9 % des viols ou tentatives de viols ont lieu au travail.
- 30 % des salariées déclarent avoir été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail.
- 70 % des victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur.
Pour celles qui brisent le silence, c’est souvent la double peine : 40 % des salariées estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée ou un licenciement.
De nombreux employeurs, qu’ils soient publics ou privés, ne respectent pas leurs obligations en matière de prévention, de protection des victimes et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail. Pourtant, la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses est une obligation légale de l’employeur.
Qu’en est-il dans les métiers du prendre soin ?
Dans les secteurs du soin, du médico-social et de l’aide à domicile, les violences sexistes et sexuelles touchent de manière disproportionnée les femmes, qui représentent une écrasante majorité des effectifs :
- 88 % des professionnels de santé sont des femmes,
- Une proportion qui monte à 95 % dans l’aide à domicile
- Et dépasse les 80 % dans le médico-social.
Ces métiers, essentiels mais sous-valorisés, exposent les travailleuses à des conditions de travail à risque. Isolement professionnel, rapports de pouvoir déséquilibrés et interaction constante avec des publics vulnérables créent un terrain favorable aux violences.
Selon le dernier rapport de l’Observatoire National des Violences en Milieu de Santé (ONVS), en 2021, 19 328 signalements ont été enregistrés, dont 82 % concernaient des atteintes aux personnes, majoritairement des femmes. Pourtant, ces données nous semblent rester en deçà de la réalité. En effet, une enquête du Haut Conseil à l’Égalité révèle que 1,4 million de femmes ont subi des violences sexistes ou sexuelles hors cadre familial en 2021, mais seulement 2 % des victimes ont porté plainte.
Ces données mettent en lumière une double problématique : la vulnérabilité des travailleuses dans ces secteurs et la faible utilisation des dispositifs de signalement.
Un silence qui persiste, malgré les obligations légales
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 70 % des victimes de violences au travail déclarent n’avoir jamais parlé à leur employeur. Ce silence s’explique par la peur de représailles, le manque de dispositifs de soutien adaptés et une banalisation des violences qui perdure dans trop d’organisations et contribuent à maintenir un silence qui entrave la prise en charge des victimes et la prévention des abus. Pourtant, le cadre légal impose des obligations claires aux employeurs, qu’ils soient publics ou privés. En vertu du Code du travail ou des statuts de la Fonction Publique, ils doivent garantir la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses en mettant en œuvre des mesures de prévention efficaces. Malgré ces dispositions légales, la reconnaissance des violences comme accidents de travail ou de service reste insuffisamment utilisée. La Fédération CFTC Santé Sociaux déplore que nombre de victimes ignorent leurs droits ou hésitent à signaler les violences subies.
Dans les faits, de nombreux employeurs ne respectent pas ces obligations, laissant des salariées isolées face à des situations de violence. Ce constat interpelle particulièrement dans les secteurs du soin et de l’aide à domicile, où l’isolement professionnel et les rapports de pouvoir déséquilibrés aggravent la vulnérabilité des travailleuses.
Les violences sexistes et sexuelles subies dans le cadre professionnel, qu’elles soient physiques ou psychologiques, peuvent être reconnues comme accidents de service dans le secteur public ou accidents de travail dans le secteur privé. Cette reconnaissance ouvre des droits spécifiques aux victimes, notamment en termes de prise en charge et de réparation.
Des initiatives en cours, mais des efforts à renforcer
Une formation essentielle, mais à généraliser
La mise en place de la formation obligatoire à la prévention des violences sexistes et sexuelles (VSS) pour les professionnels des secteurs sanitaires et médico-sociaux, annoncée en mai 2024, représente une avancée significative. Cette formation vise à sensibiliser l’ensemble des acteurs du secteur aux comportements abusifs et à améliorer leur capacité à repérer et signaler les violences. Cependant, cette initiative doit être généralisée et suivie de près pour garantir son efficacité.
Elle devrait être rendue obligatoire dès 2024 avec un délai de 3 ans pour couvrir l’ensemble des professionnels travaillant dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, tant dans la fonction publique hospitalière que dans le secteur privé. Pour maximiser son impact, cette formation doit également inclure des personnels clés comme les ressources humaines, les encadrants et les représentants du personnel.
Des dispositifs de soutien indispensables
Les initiatives en cours resteront insuffisantes sans la mise en place de cellules d’écoute anonymes et indépendantes dans chaque établissement. Ces dispositifs permettraient :
- De garantir un espace de parole sécurisé et confidentiel pour les victimes
- D’orienter les salariées vers des ressources adaptées, comme un accompagnement psychologique ou juridique.
Ces structures, couplées à des campagnes de sensibilisation internes, pourraient briser le silence qui entoure trop souvent les violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail.
Quels leviers pour garantir un environnement de travail respectueux et plus sûr ?
Après le constat alarmant sur les violences sexistes et sexuelles, il est nécessaire de passer à l’action. Voici les leviers prioritaires pour garantir un environnement de travail respectueux et sécurisé :
- Renforcer la prévention : La prévention des violences doit devenir une priorité dans les milieux professionnels. Des formations adaptées, régulières et obligatoires, comme la formation VSS, doivent être systématiquement mises en place et suivies.
- Accompagner les victimes :En complément des cellules d’écoute, un partenariat avec des associations spécialisées peut garantir une prise en charge adaptée. Un soutien psychologique et juridique sur mesure est indispensable pour les travailleuses confrontées à des situations de violence.
- Accroître le rôle des employeurs : Les employeurs ont une responsabilité centrale dans la lutte contre les violences. Cela implique :
- La création de chartes claires pour affirmer leur engagement contre les violences.
- La mise en œuvre d’enquêtes rapides et transparentes en cas de signalement, afin de sanctionner les comportements inappropriés et protéger les victimes.
Un appel à la mobilisation collective
La Fédération CFTC Santé Sociaux appelle tous les acteurs – employeurs, pouvoirs publics, salariés et organisations syndicales – à s’engager pleinement pour bâtir des environnements de travail respectueux et sécurisés. La fédération soutient une transformation structurelle des métiers du prendre soin, en mettant l’accent sur la dignité, la reconnaissance et la sécurité des professionnelles.
Parce qu’il est essentiel de protéger celles et ceux qui veillent sur les autres, il est urgent de dire non à toute forme de violence dans nos métiers fondamentaux. Protéger ces professionnels est une priorité absolue ! | |
Nous appelons également nos militants à se mobiliser dans leurs établissements pour :
- Exiger la mise en œuvre effective des dispositifs de prévention et de signalement des violences sexistes et sexuelles, notamment par la création de cellules d’écoute indépendantes.
- Soutenir les collègues victimes de violences en relayant les informations sur leurs droits et les recours disponibles.
- Encourager l’organisation de campagnes de sensibilisation locales pour faire connaître les dispositifs existants et briser le silence autour des violences.
- Promouvoir l’adoption de chartes d’engagement contre les violences dans chaque établissement, en lien avec les employeurs et les représentants du personnel.
Ensemble, agissons pour un monde du travail exempt de violences, où la dignité et la sécurité de tous les professionnels sont garanties. Nos militants sont les acteurs de ce changement, porteurs des valeurs de respect et d’humanité qui définissent les métiers du prendre soin.
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